L E O F A N Z I N E O Q U I O M E T O L A O C U L T U R E O E N O S A C H E T S

27.6.12

"Ce que nous faisons là, personne ne l'a fait avant nous"


INTERVIEW DIE SELEKTION

Franchement, je n'ai pas attendu Merkozy pour m'intéresser à ce qui se trame en Allemagne. En fait, il suffit qu'on me dise qu'un groupe est teuton pour que je tende l'oreille avec plus d'attention, un peu comme quand j'apprends qu'un mec en soirée est suédois. Die Selektion est un trio allemand, mais ce n'est pas (seulement) ça qui en fait un groupe intéressant. Comme ils passaient à Paris le premier juin, j'en ai profité pour les rencontrer assis sur le trottoir devant la Mécanique Ondulatoire, histoire qu'on parle un peu plus de leur travail et que je leur montre mes folles aptitudes dans la langue de Goethe ("Ich esse gern Nudeln. Ja klar.").



Nous vous avions déjà dit du bien de leur new wave sombre mit Trompete et paroles scandées en mars de l'année dernière. A l'époque, le groupe sortait son premier EP, Kühle Lippen, seulement trois mois après s'être formés. Parce qu'ils sont comme ça, ces trois mecs de Stuttgart, un jour ils se disent que ce serait bien qu'ils jouent ensemble puisqu'ils sont amis depuis le collège, et le lendemain ils sortent un truc. C'est aussi simple que cela. "Toi tu ferais un bon frontman, toi tu sais jouer de la trompette, et moi j'aime les synthés". En neuf mois, ils ont visité du pays, eu des embrouilles en Italie, et accouché d'un bébé éponyme de douze titres. Ah, et ils veulent en faire un nouveau pour début 2013. Et pourtant, ils vous diront que le processus d'écriture est super compliqué pour eux et qu'ils s'arrachent régulièrement les cheveux, ou ce qu'il leur en reste sur leurs cranes rasés sur les côtés.



Ce qui étonne, c'est qu'ils aient trouvé une telle cohérence en si peu de temps et une telle singularité. Parce qu'il est vrai que Die Selektion ne ressemble pas vraiment à ce qu'il se fait en ce moment. Et Luca, Max et Hannes ne se priveront pas de vous le faire remarquer : "Quelquefois, j'entends une chanson et je me dis "Oh, ça me dit quelque chose", et puis finalement je me dis que non, c'est un peu plat et il n'y a pas l'énergie que nous avons." Les garçons sont sûrs de leur talent et de leur originalité "Ce que nous faisons là, personne ne l'a fait avant nous". Mais en y réfléchissant bien, il suffit d'enlever la trompette pour penser très fort aux groupes allemands des années 80, D.A.F. en tête. "D.A.F. et Die Krupps sont nos principales inspirations, mais on ne veut pas les copier, on ne copie rien du tout. Nous sommes un nouveau chapitre."



Bon, si ils veulent, mais alors un long chapitre, sombre et plaisant, mais tellement uniforme que l'on a l'impression que le même morceau se déroule inlassablement. Pendant leur concert archi blindé à la Méca, j'ai quand même cru entendre "Du Rennst" trois fois, alors qu'en fait le morceau était passé avant que j'ai eu le temps de rentrer dans la cave. Néanmoins, le concert était franchement bon, ça faisait longtemps que je n'avais pas eu autant envie de secouer ma frange. Quand ils parlent d'énergie, ils ne mentent pas, même s'ils font un peu poseurs sur les bords, à se foutre torse poil et prendre des attitudes peu naturelles. Un boys band qui écoute D.A.F. et a remplacé les hoodies par les vestes en cuir, un peu.

Au final Die Selektion est un groupe pas bien compliqué. Ils ne s'embarrassent pas de messages codés, de mystère, ou "d'autres trucs de merde" et se contentent d'une esthétique minimale. Même leur choix de chanter en allemand plutôt qu'en anglais est tout simple. Ce n'est pas spécialement pour l'héritage de la musique germanique des années 80, mais vraiment parce qu'ils ne sont pas assez bons en anglais pour pouvoir exprimer tout ce qu'ils ont à dire dans leurs chansons qui parlent "de problèmes de la vie, comme tomber amoureux". Gros problèmes en effet.




Et comme ils ne veulent vraiment pas faire comme les autres, ils refusent catégoriquement de déménager à Berlin. Pourtant, Stuttgart n'est pas la ville idéale pour faire de la musique. "Il n'y a pas vraiment de scène locale. Les gens viennent juste pour un événement, un soir, mais souvent, ils ne se connaissent pas." Il y a quand même une scène club, "horrible", et plusieurs groupes de musique trash, dans lesquels Max joue aussi, mais pas de place pour Die Selektion. Tant pis, les garçons se trouvent assez grands pour faire de la musique et trouver de l'inspiration seuls. Là-bas, ils sont libres de toute influence. Le seul groupe qu'ils aiment, c'est The Lost Rivers, et ils ne viennent même pas de Stuttgart même. 

Die Selektion sont tout seuls dans leur Allemagne du sud-ouest. Tellement isolés que Luca était persuadé que Siouxsie Sioux était morte il y a deux mois, et que Hannes est pense sincèrement qu'Angela Merkel a "la coupe de cheveux la plus cool du monde". Qu'ils restent donc en autarcie, on les aime bien comme ça.