L E O F A N Z I N E O Q U I O M E T O L A O C U L T U R E O E N O S A C H E T S

9.10.12

Orchestre symphonique, noeuds papillon et electro


Le problème avec la musique électronique, se sont les endroit où l'écouter. Il n'y a pas beaucoup d'alternatives aux clubs ringards ou au contraire super hype fréquentés par des kids insupportables. Quant aux festivals, cela s'apparente le plus souvent à une ambiance de vieille rave dans des hangars trop glauques (Coucou les Transmusicales et les Bretons sous MD). Pas vraiment le genre de lieux où la TEAm aime traîner. Mais ce n'est pas parce qu'on a toujours préféré les rockeurs qu'on délaisse la musique faite avec des machines. Pour preuve, je lui ai laissé une seconde chance en allant à un festival en septembre. Et j'y ai enfin trouvé la solution à ses maux.

BOZAR ELECTRONIC ARTS FESTIVAL 
20 et 21/09/2012 @BOZAR, BRUXELLES


Ce qui est bien avec le Bozar Electronic Arts Festival, c'est que, contrairement à la grosse majorité des lieux consacrés à l'electro, il a de plus hautes ambitions que celle de faire danser les clubbeurs et leur extorquer des billets pour de la vodka-red bull. Primo, c'est organisé par le Bozar. Haut lieu de la culture à Bruxelles, il organise régulièrement des expos temporaires très prisées. Deuzio, si vous êtes malins, vous aurez remarqué qu'ils ont ajouté "arts" dans leur nom. Le Bozar Electronic Arts Festival, c'est "un forum sur les nouvelles formes d'expression, au croisement de l'art et de l'innovation technologique". Vous trouvez ça pompeux ? Oui, un peu, c'est vrai. Mais la réalité n'était pas bien éloignée de leurs ambitions de départ. 


Arrivée le jeudi soir, j'ai vite compris qu'on n'était pas dans un festival d'electro comme les autres. A l'espace VIP où ils offraient des verres de vin, des petits groupes de gens de tous âges, en robe de soirée ou costard-noeud papillon, discutaient autour de délicats petits fours. Avec ma veste en denim trop grande et mon jean troué, je ne me suis vraiment pas sentie dans mon élément (chose rarissime lorsqu'il est question d'un événement musical, je préférais le préciser). Ce sentiment s'est renforcé quand je me suis dirigée dans les longs et impressionnants couloirs (le Bozar est vraiment un bel endroit, architecturalement parlant) vers le premier concert. Là, un portier indiquait aux gens leur place, et les invitait à s'asseoir dans cette grande salle de théâtre qui semblait sortie de nulle part. Excusez-moi, c'est le Bozar Electronic Arts Festival ici ou la représentation de la Traviata ? Ça expliquerait les nœuds papillons des messieurs.



En fait, le public assistait à Music For Solaris, qui est plus ou moins de la musique électronique interprétée par un orchestre symphonique, la Sinfonietta de Cracovie. Cette pièce aussi étrange que belle a été écrite par le compositeur expérimental australien Ben Frost et son collègue un peu plus classique Daniel Bjarnason. Ils se seraient inspirés autant de Solaris, le roman de SF du Polonais Stanislaw Lem, que du film de 1972 de Tarkovsky, qui parlent d'un homme qui va sur une autre planète pour étudier les océans. D'ailleurs, en fond visuel il y avait des manipulations du film d'origine réalisées par Brian Eno (wow) et Nick Robertson (je n'ai pas trouvé qui il était mais certainement pas le patron d'Asos comme me l'affirme Google). Evidemment, je n'étais au courant de rien de tout ça, hein. Mais ça ne m'a pas empêchée d'apprécier l'instant. Une trentaine de musiciens à cordes, des compositions tantôt planantes, tantôt inquiétantes, de gros fauteuils confortables, oh, on en avait des étoiles dans les yeux tellement ce moment était délicieux. Dommage, j'ai dormi comme un gros bébé pendant les cinq dernières minutes (trop de bonheur d'un coup).


Ensuite, tandis que l'orchestre continuait de jouer des morceaux classiques, les personnes sont parties petit à petit (sauf les nœuds-pap, qui en fait n'en avait rien à faire de la musique électronique), pour aller voir le reste des concerts au Terarken, une salle au nom impossible où ils projetaient des motifs sur les piliers, chic. L'endroit était plutôt vide au départ. Un grand-père au fond a commencé à manifester l'envie de démarrer le set, les gens sont venus devant la scène, lentement, et n'ont pas osé s'approcher trop près. J'ai vérifié mon programme, croyant m'être trompée, mais non non, c'était bien Silver Apples (enfin, ce qu'il en reste, Simeon Coxe III) qui allait débuter un concert devant quinze personnes à peine. Ça s'est rempli un peu par la suite, mais pas énormément. 

Le fait qu'il n'y ait qu'une centaine de personnes pour un concert de Silver Apples mais des milliers pour n'importe quelle connerie de Busy P est déprimant au possible. Les mecs ont quand même été les pionniers de la musique électronique et donc d'un peu tout ce qui peut s'écouter maintenant, du kraut à David Guetta. Quand même. En plus, contrairement à certains vieux artistes qui n'assurent plus du tout sur scène passée la ménopause de leur femme, le Simeon est encore très vaillant. Sa voix chevrote davantage et donne un petit côté country au chant, mais sinon, il se tient bien derrière ses machines et arrive à instaurer une atmosphère spéciale. Ça fait très prof de musique de quarante ans de dire ça, mais c'est incroyable à quel point ces compositions de la fin des sixties sont encore modernes aujourd'hui. On sentait des ondes d'admiration provenir du public et aller vers ce petit homme au chapeau à plume rouge et au foulard violet, tout gringalet. Un moment comme on en voit peu, vraiment vraiment beau.


Le lendemain, retour au Bozar. Pas d'orchestre ou de légende à l'affiche ce soir, seulement des middle names et des newcomers. Les mouvements de foule allaient du Terarken au Studio et inversement, puisque toute la soirée des concerts alternaient dans les deux salles. Le Studio, aux places assises, était nettement plus expérimental. On y a vu un Belge plutôt intéressant, Yannick Franck sur lequel il faudrait se pencher davantage, et une énorme arnaque, Martiensgohome, qui est à la musique ce que les productions contemporaines sont trop souvent à l'art : de la grosse branlette. Figurez-vous quatre mecs assis derrière des ordinateurs, et l'un deux qui clique pour lancer un son de modem Wanadoo qui recherche une connexion internet de l'époque pré-ADSL. Voilà, c'était ça, salut on va voir ce qu'il se passe dans la salle d'à côté. 

C'était pas vraiment mieux, il y a bien eu Gold Panda, mais c'était assez décevant sinon chiant. Mon ouverture d'esprit de la veille n'aura pas duré très longtemps. Les gros beats allaient me pousser vers la sortie quand la mention "electronic ARTS festival" s'est rappelée à mon souvenir. Il n'y avait pas que de la musique, mais des installations aussi. Dont Eyjafjallajokull, une œuvre de Joanie Lemercier où, dans une salle obscure, une image de volcan s'anime et montre les différentes étapes d'une éruption. J'aurais aimé comater devant pendant des heures. 


Le Bozar Electronic Arts Festival m'aura tantôt ennuyée, tantôt charmée. Les moments les plus intéressants étaient ceux qui proposaient une définition plus large de l'electro : pas seulement des DJ stars, mais aussi des vieux de la vieille, pas seulement des ordinateurs, mais aussi des expérimentations avec des instruments classiques, pas seulement de grands lieux vides, mais aussi des salles dédiées au départ à des formes d'art plus conventionnelles. Bon, le mariage n'a pas toujours fonctionné, les noeuds-papillons du jeudi n'ont jamais mis le pied au Terarken pour voir de jeunes formations, et les kids du vendredi soir étaient plus occupés à se plaindre du prix de la bière que d'aller voir les installations plastiques dans la salle d'à côté. C'est comme ça, c'est déjà beau d'avoir essayé. Et c'était beaucoup plus chouette qu'une soirée dans un hangar sombre ambiance fin de millénaire.


photos : Julie Lebrun