L E O F A N Z I N E O Q U I O M E T O L A O C U L T U R E O E N O S A C H E T S

13.5.13

Redevenir mignonne

ALBA LUA
INNER SEASONS

Depuis deux ou trois ans, j'en ai marre d'être une fille mignonne. En musique, en tout cas. Les mélodies délicates et les chants joyeux et choupinets m'angoissent. Je fuis les garçons aux guitares acoustiques comme un fan d'emo craint la lumière. Tout ce qui ressemble de près ou de loin au folk m'ennuie profondément. Je suis devenue une connasse qui n'aime que les morceaux putassiers ou bien costauds. 

Il y a des exceptions. Je reste une immense fan de Belle & Sebastian et le récent disque de Jacco Gardner a tourné dans mon appartement sans que mes oreilles ne le rejettent. En vrai, je pense qu'on a tous besoin d'écouter des choses apaisantes et belles et subtiles, mais il y a des moments où les musiques acoustiques sonnent juste fades, et on a besoin d'une claque bien violente. Je pense avoir passé cette étape. Oh merde, je vieillis. Le printemps me rend toute chose et j'ai décidé, au milieu de mes révisions de fin d'année, de trouver une bande son appropriée à mes envies de grand air, de soleil et d'excursions à la dune du Pyla. Comme un signe du destin, Alba Lua en a profité pour sortir son premier album au même moment. 

Quand je vivais à Bordeaux, charmante époque, je passais mes soirées dans les caves à écouter du garage, ça envoyait, c'était parfait. Mais j'ai développé aussi dans le même temps un intérêt étrange pour Alba Lua, étrange, car ce n'est pas vraiment le genre de la maison. C'est peut être cette différence qui plaisait, au fond, un peu de rêverie au milieu de la scène rock bordelaise. Le trio délivrait des concerts mémorables, où l'on s'imaginait ailleurs, la guitare chantait, la batterie était douce, la voix étonnante (le kit presse parle de "chant d'homme-sirène", ce qui me renvoie à l'image malheureuse de dauphins qui crient, mais on comprend l'analogie). C'était mignon, mais incroyablement pas chiant. 


Alba Lua (un nom hispano-portugais qui veut dire "la lune de l'aube", interprétez ça comme vous voulez ou suivez les journalistes paresseux) s'est fait discret pendant un temps. Le trio s'est offert un bassiste et est parti enregistrer à Paris. Suite logique, Inner Seasons, est sorti ce mois-ci. Pour les amateurs du groupe, ce premier album n'est pas une grande surprise, il capte à merveille la mélancolie rêveuse qui émanait des concerts. Il y a des petits tubes en puissance comme "When I'm Roaming Free" (un appel à partir, vraiment, loin), "Permanent Vacation" (oui, on reste toujours dans la même thématique) et le très pop "She's Got A Crush On You". Et puis des plages plus calmes mais avec assez d'audaces musicales et de petits arrangements pour qu'on ne s'ennuie pas. Parce que c'est toujours le risque, avec ce genre de musique. Bon, le son est peut être trop propre parfois, mais là c'est l'habituée des caves dégueulasses qui parle.


Je ne sais pas si j'écouterai énormément Inner Seasons. Peut être que oui. C'est un très joli disque qui mérite son succès et justifie totalement que Magic ou Les Inrocks aient fait d'Alba Lua leur nouvelle coqueluche du sud-ouest. Ou peut être vais-je me lasser d'être mignonne et vite retourner à mes vices musicaux. Mais là maintenant tout de suite, ma saison c'est le printemps, j'ai besoin de morceaux pour rêver, et Inner Seasons fait très bien l'affaire. J'écoute Alba Lua et j'ai la bouche en coeur.